Rapport technique sur les modifications apportées au Recensement de 2021
Droits à l’instruction dans la langue de la minorité : rapport technique sur les modifications apportées au Recensement de 2021

Date de diffusion : le 20 juillet 2020

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Début du texte

1. Introduction

Le recensement est le narrateur du pays. Quelle que soit la période traversée par le pays, bonne ou moins bonne, le recensement brosse un tableau détaillé de la mosaïque changeante du Canada — en fournissant aux Canadiens des faits sur nos origines, sur notre situation actuelle et sur les décisions pour guider notre avenir. Afin de répondre aux besoins du pays et rédiger le prochain chapitre de la principale source de données des Canadiens, Statistique Canada a mené des consultations et des discussions à l’échelle du pays. Nous avons également effectué un test du recensement auprès de plus de 135 000 ménages afin de déterminer si les répondants pouvaient facilement comprendre les questions nouvelles ou révisées et y répondre correctement. Nous avons écouté les Canadiens, car nous savons qu’il s’agit de votre recensement, de votre collectivité, de votre avenir.

Cette série de rapports techniques offre une vue détaillée des changements apportés au contenu du Recensement de la population de 2021, étant donné que le processus du recensement évolue constamment pour refléter les changements de la population canadienne et ses caractéristiques démographiques.

La disponibilité de données statistiques probantes et de qualité constitue un élément clé de la planification de services publics au Canada, tels que les infrastructures scolaires et les services d’enseignement dans la langue officielle minoritaire. À cet égard, divers représentants d’associations, de conseils scolaires et de communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) ont, à partir de la fin de l’année 2016, demandé au gouvernement du Canada et à Statistique Canada l’ajout de questions au Recensement de 2021 afin d’estimer les besoins en matière d’éducation dans la langue de la minorité dans les CLOSM et, plus précisément, de dénombrer les enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, conformément à une motion adoptée le 31 janvier 2017, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (le Comité) a entrepris en février de la même année une étude sur les enjeux relatifs au dénombrement des ayants droit. Le Comité a déposé son rapport d’étude en mai 2017, lequel comprend six recommandations au gouvernementNote 1.

Dans son rapport, le Comité recommande notamment :

« que le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique demande à Statistique Canada, dans le cadre des préparatifs pour le Recensement de 2021, de mettre sur pied un comité consultatif mandaté de se pencher spécifiquement sur la question du dénombrement des ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés » (recommandation 3);

« que le gouvernement du Canada mandate Statistique Canada d’ajouter obligatoirement au Recensement de 2021 des questions permettant de dénombrer tous les ayants droit au sens des alinéas 23(1)a) et b) et du paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés, dans son interprétation la plus généreuse » (recommandation 4).

En septembre 2017, en réponse aux recommandations du Comité, le gouvernement a demandé à Statistique Canada de déterminer les meilleurs moyens de recueillir des données de qualité sur les ayants droit et leurs enfants.

Au même moment, suivant une pratique récurrente avant chaque recensement, Statistique Canada a mis en branle un processus officiel de consultation publique portant sur le contenu du Recensement de 2021. Dans le cadre de ce processus, plusieurs organismes et représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire ont exprimé le besoin d’un meilleur dénombrement des ayants droit au CanadaNote 2.

Statistique Canada s’est alors pleinement engagé à mettre toute son expertise scientifique en œuvre afin de trouver le moyen le plus approprié de recueillir ces données fondées sur des considérations scientifiques et professionnelles, y compris une évaluation approfondie du potentiel et des limites des différentes méthodes de collecte. L’organisme s’est également engagé à répondre adéquatement et dans les plus brefs délais au besoin d’obtenir des données précises et de qualité sur les enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

À la suite de cet engagement et des besoins en données sur les ayants droit exprimés dans le contexte de son processus officiel de consultation du Recensement de la population, Statistique Canada a entrepris plusieurs activités et travaux dont la description et l’analyse font l’objet du présent rapport technique.

Parmi ces activités, Statistique Canada a créé le Comité consultatif sur la statistique linguistique, composé d’experts sur le sujet. Le rôle de ce comité est de conseiller Statistique Canada sur les concepts, les méthodologies, les enjeux et les défis ayant trait au programme de la statistique linguistique de l’organisme, dont le dénombrement des ayants droit et de leurs enfants au Canada. Les membres du comité se sont réunis à plusieurs reprises en 2018 et en 2019 afin d’appuyer Statistique Canada et de lui fournir des avis sur ce dossier complexe.

Statistique Canada a également mis en place un groupe de travail constitué de spécialistes de la statistique linguistique et de la méthodologie du recensement au sein de l’organisme, afin de déterminer les enjeux, les options et les solutions entourant la collecte de données sur la population des enfants d’ayants droitNote 3. Ce groupe de travail a exploré plusieurs options de collecte, dont le Recensement de la population de 2021.

Après avoir défini les besoins particuliers en collaboration avec le Comité consultatif sur la statistique linguistique, Statistique Canada a entrepris les travaux requis pour s’assurer de produire des données de qualité sur les enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte. Une stratégie en trois volets a ainsi été mise au point : 1) une stratégie de collecte en vue du Recensement de 2021 a été développée et des questions ont été formulées en collaboration avec les membres du comité consultatif. Ces questions ont fait l’objet de mises à l’essai qualitatives afin d’en évaluer la qualité, en s’assurant, par exemple, qu’elles saisissent fidèlement la réalité à l’étude; 2) des analyses quantitatives visant notamment à examiner l’influence de l’emplacement et l’ordre des questions dans le questionnaire du recensement et la qualité des résultats qui en découlaient en ce qui a trait au nombre d’enfants d’ayants droit ont été réalisées. Les résultats du test quantitatif ont également été comparés avec ceux tirés de sources de données administratives sur les inscriptions dans les programmes scolaires des minorités de langue officielle; 3) la possibilité de combiner les données du recensement avec des données de sources complémentaires (p. ex. enquête postcensitaire, données administratives) a été évaluée pour déterminer si cela permettrait de produire des renseignements et un portrait plus détaillés et complets des ayants droit et leurs enfants en regard des besoins exprimés.

La première partie de ce rapport technique présente la définition de la population des ayants droit au Canada et de leurs enfants, les besoins en données exprimés ainsi que les sources de données actuellement disponibles sur cette population.

La deuxième partie porte plus particulièrement sur la mesure de la population des enfants d’ayants droit dans le cadre du Recensement de la population de 2021. Elle présente d’abord les résultats des tests qualitatifs sur le sujet menés en 2018 ainsi que les changements apportés, à la suite de ces tests, au libellé des questions sur les ayants droit de sorte à en accroître la compréhension et la justesse. Cette partie présente également les résultats des tests quantitatifs menés dans le contexte du Test du recensement de 2019. Elle présente enfin les résultats d’analyses statistiques et les considérations supplémentaires visant à cerner le potentiel et les limites du recensement pour l’obtention d’information statistique sur la population d’intérêt.

La troisième et dernière partie porte sur l’« écosystème » de données dont Statistique Canada entend entreprendre le développement. Cet écosystème vise à aller au-delà du recensement au moyen de sources complémentaires pour répondre aux besoins en données sur les enfants d’ayants droit.

2. Définitions, besoins en données et sources de données existantes

2.1 Qu’est-ce qu’un ayant droit?

L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés définit les ayants droit et l’application de leurs droits à l’éducation dans la langue officielle de la minorité de la façon suivante :

LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982

PARTIE I

CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

« Droits à l’instruction dans la langue de la minorité

Langue d’instruction

23. (1) Les citoyens canadiens :

a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,

b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,

ont, dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

Continuité d’emploi de la langue d’instruction

(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

Justification par le nombre

(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province :

a) s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l’instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics. »

2.1.1 Spécificité propre au Québec

Aux termes de l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’alinéa 23(1)a) de la Charte (c’est-à-dire le critère de la « première langue officielle apprise et encore comprise ») ne s’applique pas au Québec. Il ne peut entrer en vigueur qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du gouvernement du Québec. Jusqu’à présent, cette autorisation n’a pas été accordée.

En vertu de l’article 73 de la Charte de la langue française du Québec, « [p]euvent recevoir l’enseignement en anglais, à la demande de l’un de leurs parents :

1° les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et a reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire reçu au Canada;

2° les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et qui ont reçu ou reçoivent un enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada, de même que leurs frères et sœurs, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire ou secondaire reçu au Canada ».

De plus, l’article 73.1 précise que :

« 73.1 Le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d’analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l’article 75 doit effectuer l’appréciation de la majeure partie de l’enseignement reçu qui est invoqué à l’appui d’une demande d’admissibilité fondée sur l’article 73. Ce cadre d’analyse peut notamment établir des règles, des critères d’appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire ou un seuil de passage et des principes interprétatifs.

Le règlement peut préciser dans quels cas ou à quelles conditions un enfant est présumé ou est réputé satisfaire à l’exigence d’avoir reçu la majeure partie de son enseignement en anglais au sens de l’article 73. »

2.1.2 Cas d’exception

Comme le mentionne le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes en page 2 de son rapport de mai 2017, « les provinces et territoires peuvent élargir les critères d’admissibilité aux écoles de la minorité et, par conséquent, créer d’autres catégories pour accorder l’accès aux écoles de la minorité à un plus grand nombre d’enfants ». En Ontario, par exemple, il est possible pour les familles anglophones d’inscrire leurs enfants à l’école en français en soumettant une demande d’admission, accompagnée (ou non) d’un examen. Il en va de même des enfants de parents de langue maternelle tierce (autre que le français ou l’anglais) qui, en vertu du pouvoir discrétionnaire des conseils scolaires dans plusieurs provinces et territoires, sont admis dans le réseau scolaire public de langue française sans qu’aucun des parents n’ait été scolarisé en français au Canada. Des clauses dites « grand-père » sont également prises en considération. Des acteurs du milieu avancent que le nombre de ces exceptions serait en croissanceNote 4.

2.2 Besoins en données

Comme il est mentionné au début de ce rapport, le besoin en données exprimé est que Statistique Canada ajoute « au Recensement de 2021 des questions permettant de dénombrer tous les ayants droit au sens des alinéas 23(1)a) et b) et du paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés ».

De plus, les besoins exprimés visent à rendre des données sur les ayants droits accessibles à l’échelon local et plus particulièrement au niveau de régions géographiques non normalisées, comme les bassins de recrutement scolaire. Il importe de préciser également que, puisque le besoin en données se rapporte à la planification de services éducatifs aux enfants, comme la construction d’écoles, l’objectif principal du dénombrement recommandé n’est pas l’obtention de données sur les ayants droit comme tels, mais bien sur les enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte. Cette interprétation des recommandations du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a été discutée avec le Comité consultatif sur la statistique linguistique de Statistique Canada.

Le Recensement de la population ne comprenant, parmi les trois critères énoncés à l’article 23, que celui associé à la langue apprise en premier lieu dans l’enfance et encore comprise (langue maternelle)Note 5, le Comité ainsi que divers intervenants et représentants des CLOSM ont exprimé le besoin que Statistique Canada recueille des données sur les deux autres critères, soit la langue de scolarisation des parents et celle des frères et sœurs.

Cela dit, le Comité ajoute dans son rapport que le nombre de personnes de langue maternelle française au Canada hors Québec serait, lui aussi, sous-estimé. Cette situation serait attribuable au fait que « la formulation de la question 9 sur la langue maternelle, les choix de réponses à cette question, et le contexte créé par les autres questions linguistiques communiquent au répondant que le recensement s’attend à ce que le répondant identifie une seule langue en réponse à la question sur la langue maternelleNote 6 ».

L’annexe B du rapport du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes propose notamment des modifications à la question du recensement sur la langue maternelle. Bien que l’alinéa 23(1)a) de la Charte fasse précisément référence à « la première langue apprise et encore comprise [qui] est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident », le rapport du Comité mentionne que le libellé actuel de la question du Recensement de la population ne tient pas compte du fait que plusieurs répondants ont appris plus d’une langue à la maison dans l’enfance, notamment en raison de l’importance des situations familiales d’exogamie linguistique (couples linguistiquement mixtes). Selon le rapport, « [l]a question ne suggère aucunement qu’une double réponse sera acceptée (bien que le questionnaire permette des réponses doubles, voire multiples)Note 7 ».

2.2.1 Quelques éléments de jurisprudence et éléments de précision liés aux besoins en données

Dans sa décision relative à l’affaire Mahe c. Alberta (1990)Note 8, et en particulier au regard des alinéas 23(3)a) et b) présentés ci-dessus, la Cour suprême du Canada a fait observer que le nombre d’enfants d’ayants droit dans une région donnée ne correspond ni au nombre d’enfants actuellement inscrits dans les écoles de la minorité de langue officielle ni au nombre maximum potentiel (la demande virtuelle) d’enfants d’ayants droit. Il se situe plutôt quelque part entre les deux, c’est-à-dire qu’il doit refléter « le nombre de personnes qui se prévaudront en définitive du programme ou de l’établissement envisagé».

De manière similaire, dans l’affaire Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique (Éducation)Note 9, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré en 2016 que [traduction] « le nombre qui nous intéresse, dans le contexte de l’article 23, est le nombre d’enfants d’ayants droit qui pourraient raisonnablement se prévaloir d’un service, et celui-ci se situe quelque part entre la demande connue et le nombre total d’ayants droit dans une région donnée […] La population totale d’élèves admissibles au service peut être difficile à estimer. Puisque la Cour est surtout concernée par le nombre d’enfants susceptibles de s’inscrire à un programme, les limites extérieures de la fourchette n’ont pas à être précises : elles peuvent être estimées en se fondant sur les meilleures données existantes. » Elle a ajouté que [traduction] « la Cour requiert certaines preuves qui lui permettraient d’estimer ou de prévoir l’effectif futur en se basant sur la situation actuelle, la population totale d’ayants droit (au mieux qu’elle peut être estimée), et des facteurs contextuels généraux. La Cour a pour tâche d’anticiper la proportion du nombre total d’ayants droit qui sont susceptibles de s’inscrire au programme : un taux de participation ».

2.3 Données actuellement disponibles et leurs limites

Le cadre de détermination du contenu du recensementNote 10 comporte trois grandes étapes afin d’établir le niveau de priorité des demandes d’ajout de questions au Recensement de la population : 1) l’évaluation des besoins des utilisateurs des données du recensement (fondement législatif, usage prévu, etc.); 2) la considération du contexte canadien (fardeau de réponse, sensibilité, etc.); 3) l’évaluation des enjeux opérationnels associés à la demande (coûts, contraintes liées à la collecte, etc.). Le contenu est évalué en fonction des dimensions particulières comprises à chaque étape.

Conformément à ce cadre, l’une des dimensions considérées à l’étape d’évaluation des besoins est liée à la disponibilité de sources de données permettant l’obtention de l’information statistique demandée. Dans le cas présent, aucune source ne permet l’obtention de l’ensemble des données statistiques nécessaires à la réponse au besoin exprimé, c’est-à-dire des données sur la population des enfants admissibles à des services éducatifs dans la langue officielle de la minorité en vertu des critères énoncés aux alinéas 23(1)a) et b) et au paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce, à des niveaux géographiques inférieurs.

Certes, le recensement fournit, tous les cinq ans et à des niveaux géographiques inférieurs, des données détaillées sur les caractéristiques linguistiques de la population, notamment la langue maternelle [alinéa 23(1)a)]. Mais le recensement comporte des limites spécifiques quant au dénombrement des enfants d’ayants droit, comme le relève le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. L’une de ces limites tient au fait que le recensement ne comporte pas de questions permettant le dénombrement des ayants droit visés par l’alinéa 23(1)b) et le paragraphe 23(2) de la Charte. Toutefois, même si l’on ajoute des questions sur la langue d’instruction, le recensement comporte un certain nombre de limites en ce qui concerne sa capacité de répondre aux besoins en données sur les enfants d’ayants droit. Ces limites sont traitées plus loin dans ce document.

Outre le Recensement de la population, d’autres sources de données permettent également d’obtenir des informations sur les enfants d’ayants droit.

Par exemple, chaque année, grâce à l’Enquête sur l’enseignement primaire et secondaire, Statistique Canada recueille et diffuse notamment les données administratives provenant de chaque province et territoire sur les inscriptions dans les écoles publiques des minorités de langue officielle au Canada. Ces données fournissent ainsi l’information correspondant à la borne inférieure du nombre d’enfants d’ayants droit au Canada comme le mentionne la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mahe c. Alberta (1990), mais elles ne fournissent aucune information sur les ayants droit dont les enfants ne fréquentent pas une école de la minorité et qui souhaiteraient se prévaloir de leur droit constitutionnel ou auraient l’intention de le faire.

L’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO), menée en 2006 par Statistique Canada en partenariat avec 10 organismes et ministères fédéraux, est une autre source de données clés sur les ayants droit et leurs enfantsNote 11. L’un des principaux objectifs de cette enquête était de mesurer pour la première fois le nombre d’enfants d’ayants droit au Canada et la proportion de parents qui se prévalaient de leur droit en vertu de l’article 23 de la Charte. En plus de ces données, l’EVMLO a également permis d’obtenir de l’information très riche au sujet des motifs pour lesquels les parents avaient ou n’avaient pas choisi d’inscrire leurs enfants dans une école de la minorité de langue officielle. Cependant, en 2021, il y aura 15 ans que cette enquête a eu lieu. De plus, elle comporte des limites quant aux niveaux géographiques pour lesquels elle peut fournir de l’information sur le sujet.

3. Mesure du nombre d’enfants d’ayants droit au moyen du Recensement de la population

L’évaluation des besoins en données sur les enfants d’ayants droit a été effectuée dans le cadre des travaux menés par Statistique Canada (mises à l’essai et analyses statistiques) visant l’ajout de nouvelles questions au Recensement de 2021. Cette évaluation a notamment pris en compte les critères du cadre de détermination du contenu du recensement (couverture de la population cible, qualité de l’information statistique, considérations opérationnelles, entre autres). La présente section porte sur les résultats de ces mises à l’essai et les analyses complémentaires réalisées.

3.1 Mise en œuvre de la stratégie de collecte et des nouvelles questions

Comme il a été mentionné, la stratégie de collecte ainsi que le nouveau module de questions sur la langue d’instruction ont été développés par Statistique Canada, en collaboration avec le Comité consultatif sur la statistique linguistique.

Les questions initialement élaborées comprenaient un bloc de deux questions pour les résidents du Québec et un bloc de trois questions pour les personnes résidant au Canada hors Québec. Les résidents du Québec devaient ainsi répondre à une première question qui demandait s’ils avaient déjà suivi, au primaire ou au secondaire, un programme d’enseignement de langue anglaise au Québec ou fréquenté une école de langue anglaise au Canada et, dans l’affirmative, ils devaient répondre à une deuxième question à deux volets sur le nombre d’années de fréquentation au primaire et au secondaire. Les résidents du reste du pays devaient, quant à eux, répondre à une première question pour savoir s’ils avaient fait des études primaires ou secondaires en français au Canada, puis, le cas échéant, à une deuxième question pour savoir s’il s’agissait d’un programme d’immersion ou d’un programme régulier d’enseignement. Ceux ayant suivi un programme régulier devaient ensuite indiquer le nombre d’années de fréquentation au primaire et au secondaire.

Outre le fait qu’il permettait l’obtention des renseignements demandés sur la population définie à l’alinéa 23(1)b) et au paragraphe 23(2) de la Charte, le module ainsi élaboré tenait compte du fait que la jurisprudence a établi que les personnes ayant suivi un programme d’immersion en français au Canada ne sont pas réputées avoir reçu leur instruction dans la langue officielle de la minoritéNote 12. De plus, le nombre d’années d’études requis afin de déterminer le statut d’ayant droit d’une personne n’étant pas précisé par la Charte, une question sur ce nombre s’avérait également nécessaire. Pour les résidents du Québec, en raison des spécificités relevées précédemment quant aux critères d’admission des programmes de langue anglaise, il importait également de connaître la langue d’instruction du répondant aux niveaux primaire et secondaire, tout comme le nombre d’années d’études en anglais à ces niveaux en raison de l’élément concernant la « majeure partie de l’enseignement primaire ou secondaire reçu au Canada », précisé à l’article 73 de la Charte de la langue française du QuébecNote 13.

Selon la stratégie adoptée en vue du Test du recensement de 2019 et afin de réduire le fardeau de réponse, ce nouveau module de questions ne devait être administré qu’à un sous-ensemble de ménages, soit les ménages comprenant au moins un enfant et satisfaisant à certains critères linguistiquesNote 14. La stratégie consistait à poser les nouvelles questions à chacune des personnes des ménages sélectionnés, puis, après avoir établi les liens de parenté entre les membres du ménage, à déterminer si les enfants s’y trouvant étaient ou non des enfants d’ayants droit.

À la suite des suggestions présentées dans le rapport du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, des variantes de la question sur la langue maternelle ont également été élaborées en collaboration avec le Comité consultatif sur la statistique linguistique. Les variantes avaient pour objectif d’indiquer au répondant qu’il lui était possible de fournir plus d’une « langue apprise en premier lieu et encore comprise », et les conditions dans lesquelles les réponses multiples étaient prévues (c’est-à-dire lorsque les langues ont été apprises en même temps). Puisque le rapport du Comité porte à croire que la version actuelle de la question sur la langue maternelle sous-estimerait la taille de la population de langue maternelle française au Canada hors Québec, les données obtenues à partir des autres versions permettaient d’examiner dans quelle mesure différentes variantes de la question entraînent des estimations différentes de cette population.

Les questions élaborées, tant sur la langue d’instruction que sur la langue maternelle, ont tout d’abord été soumises à une série de tests qualitatifs à l’été 2018. Ces tests consistaient en des entrevues individuelles avec des personnes qui devaient répondre à toutes les questions du recensement, faire part de leurs premières impressions et répondre aux demandes d’éclaircissement et questions connexes du modérateur.

L’objectif général de cette série de tests était d’évaluer la compréhension des questions par les répondants ainsi que la capacité de ces derniers à bien saisir le ou les concepts sous-jacents, et de s’assurer qu’ils arrivaient à suivre le cheminement que leur proposait le questionnaire (qui comprenait des « sauts » de questions, notamment dans une directive préliminaire figurant au début du module de questions sur la langue d’instruction).

Malgré une compréhension généralement bonne du module de questions sur la langue d’instruction par les répondants, certaines modifications y ont été apportées à la lumière des résultats de ces mises à l’essai qualitatives :

Dans le cas de la langue maternelle, les versions d’essai de la question ont été généralement bien comprises par les répondants lors des tests qualitatifs et elles n’ont exigé que peu d’ajustements.

3.2 Modules et libellés des questions du Test du recensement de 2019

Les questions ainsi ajustées de manière à en optimiser la compréhension sont celles qui ont été soumises au Test du recensement de 2019. Ce sont les suivantes :

Figure 1 Questions sur la langue d’instruction ayant été mises à l’essai dans le Test du recensement de 2019 (questionnaire papier)

Description de la figure 1

Il s’agit d’une capture d’écran des questions 30 à 35 de la version 2 du Test du recensement de 2019 (questionnaire papier).

Les questions qui suivent servent à recueillir des données conformément à la Charte canadienne des droits et libertés en vue d’appuyer les programmes d’enseignement en français et en anglais au Canada.

  • Question 30 : « Ce logement est-il situé au Québec? »
    La question est suivie de deux boutons radio :
    • « Non » (si ce bouton est sélectionné, on demande au répondant de continuer à la question 31);
    • « Oui » (si ce bouton est sélectionné, on demande au répondant de passer à la question 34).
  • Question 31 : « Cette personne a-t-elle fait des études primaires ou secondaires en français au Canada (incluant dans un programme d’immersion)?
    Cochez un seul cercle. »
    La question est suivie de deux boutons radio :
    • « Oui (études actuelles ou passées) »;
    • « Non » (si ce bouton est sélectionné, on demande au répondant de passer à la question 36).
  • Question 32 : « Dans quel type de programme ces études en français ont-elles été effectuées? »
    La question est suivie de trois boutons radio :
    • « Un programme régulier d’instruction en français dans une école de langue française »;
    • « Un programme d’immersion en français dans une école de langue anglaise (incluant les programmes de français intensif » (si ce bouton est sélectionné, on demande au répondant de passer à la question 36);
    • « Les deux types de programmes ».
    Sous les trois boutons se trouve une zone de texte qui porte la mention suivante : « Autre programme — précisez ».
  • Question 33 : « Pendant combien d’années cette personne a-t-elle fréquenté un programme régulier d’instruction en français dans une école de langue française? »
    Il y a deux zones de texte :
    • « Inscrire le nombre d’années au primaire (incluant la maternelle et l’école intermédiaire) » (le répondant peut inscrire le nombre d’années, puis on lui demande de passer à la question 36);
    • « Inscrire le nombre d’années au secondaire » (le répondant peut inscrire le nombre d’années, puis on lui demande de passer à la question 36).
  • Question 34 : « Cette personne a-t-elle fait des études primaires ou secondaires dans une école de langue anglaise au Canada (incluant dans un programme d’immersion)?
    Cochez un seul cercle. »
    La question est suivie de deux boutons radio :
    • « Oui (études actuelles ou passées) »;
    • « Non » (si ce bouton est sélectionné, on demande au répondant de passer à la question 36).
  • Question 35 : « Pendant combien d’années cette personne a-t-elle fait des études dans une école de langue anglaise au Canada (incluant dans un programme d’immersion)? »
    Il y a deux zones de texte :
    • « Inscrire le nombre d’années au primaire (incluant la maternelle) » (le répondant peut inscrire le nombre d’années);
    • « Inscrire le nombre d’années au secondaire » (le répondant peut inscrire le nombre d’années).

Variantes de la question sur la langue maternelle ayant été mises à l’essai dans le Test du recensement de 2019 (questionnaire papier)

a) Version 1 (un volet) : elle ne diffère du statu quo que par la première note, cette dernière figurant uniquement dans le guide du recensement lors des cycles antérieurs du recensement. (« Indiquez plus… »)

Figure 2 Question sur la langue maternelle ayant été mise à l’essai dans la version 1 du Test du recensement de 2019 (questionnaire papier)

Description de la figure 2

Il s’agit d’une capture d’écran de la question 10 de la version 1 du Test du recensement de 2019 (questionnaire papier).

  • Question 10 : « Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu’elle comprend encore?
    Indiquez plus d’une langue seulement si elles ont été apprises en même temps à la maison avant d’aller à l’école.
    Si cette personne ne comprend plus la première langue apprise, indiquez la seconde langue qu’elle a apprise. »
    • Il y a deux boutons radio, et le répondant peut sélectionner « Français » ou « Anglais »;
    • Il y a une zone de texte sous les boutons radio qui porte la mention suivante : « Autre langue — précisez ».

b) Version 2 (deux volets) : la langue maternelle est obtenue par la combinaison des réponses aux deux volets.

Figure 2.1 Version 2du Test du recensement de 2019 (questionnaire papier), dans laquelle la langue maternelle est obtenue par la combinaison des réponses aux deux volets

Description de la figure 2.1

Il s’agit d’une capture d’écran de la question 10, volets a) et b), de la version 2 Test du recensement de 2019 (questionnaire papier).

  • Question 10, volet a) : « Quelle(s) langue(s) cette personne a-t-elle apprise(s) à la maison dans son enfance et qu’elle comprend encore? »
    • Il y a deux boutons radio, et le répondant peut sélectionner « Français » ou « Anglais »;
    • Il y a une zone de texte sous les boutons radio qui porte la mention suivante : « Autre(s) langue(s) — précisez ».
  • Question 10, volet b) : « Parmi ces langues, laquelle cette personne a-t-elle apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu’elle comprend encore?
    Indiquez plus d’une langue seulement si elles ont été apprises en même temps à la maison avant d’aller à l’école.
    Si cette personne ne comprend plus la première langue apprise, indiquez la seconde langue qu’elle a apprise. »
    Si le répondant indique une seule langue au volet a), on lui demande de passer à la question 11.
    • Il y a deux boutons radio, et le répondant peut sélectionner « Français » ou « Anglais »;
    • Il y a une zone de texte sous les boutons radio qui porte la mention suivante : « Autre langue — précisez ».

3.3 Test quantitatif des questions et analyses complémentaires

Le Test du recensement de 2019, ou test quantitatif, visait à évaluer deux variantes du questionnaire du recensement et à les comparer avec une version de contrôle constituée de ce que serait le Recensement de 2021 si son contenu était le même qu’en 2016. Ces deux variantes de l’option statu quo comportaient divers changements, non seulement aux modules linguistiques, mais à plusieurs autres modules du questionnaire. Chacune des versions a été administrée à un échantillon de la population canadienne, excluant celle des territoires, en version papier et en version électronique.

3.3.1 Objectifs du test quantitatif

Dans le cas des questions relatives à la langue d’instruction, les objectifs du test étaient les suivants :

Dans le cas de la langue maternelle, l’objectif principal était de vérifier si la version habituelle de la question sous-estime ou non le nombre de personnes de langue maternelle française au Canada hors Québec. Les deux versions d’essai de la question indiquent qu’il est possible de fournir plus d’une langue maternelleNote 16. Suivant l’hypothèse d’une sous-estimation, on s’attendrait donc à ce que le nombre total de personnes ayant déclaré la langue officielle minoritaire en guise de langue maternelle, soit seule ou en combinaison avec une autre langue, soit supérieur avec les variantes mises à l’essai de la question qu’avec la version de contrôle (version habituelle).

3.3.2 Principaux résultats du Test du recensement de 2019Note 17

3.3.2.1 Ordre des questions

Le Test du recensement de 2019 a montré que les résultats obtenus aux questions sur la langue d’instruction et le type de programme suivi sont similaires et ne sont pas statistiquement différents, peu importe l’emplacement de ces questions dans le questionnaire, tant pour les résidents du Québec que pour ceux des autres provinces. Ainsi, au Québec, les personnes ayant déclaré avoir fréquenté une école de langue anglaise au Canada représentaient, dans les deux versions d’essai, 11,5 % et 12,2 % de la population respectivement. Au Canada hors Québec, 2,9 % (version 1) et 2,8 % (version 2) de la population ont déclaré avoir suivi un programme régulier d’instruction en français dans une école de langue française au Canada.

Pour ce qui est du nombre d’enfants vivant dans un ménage où réside un ayant droit, il ne diffère pas non plus de manière statistiquement significative entre les versions d’essai 1 et 2, tant au Québec que dans les autres provincesNote 18. Le tableau 1 indique que 2,6 % des personnes âgées de moins de 18 ans seraient, au Canada, des enfants d’ayants droit, selon l’une ou l’autre des versions.

Tableau 1
Nombre d’enfants (0 à 17 ans) résidant avec au moins un ayant droit, selon la version du questionnaire du Test du recensement de 2019 et le lieu de résidence
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Nombre d’enfants (0 à 17 ans) résidant avec au moins un ayant droit. Les données sont présentées selon Lieu de résidence (titres de rangée) et Version 1 et Version 2(figurant comme en-tête de colonne).
Lieu de résidence Version 1 Version 2
Nombre Pourcentage de la population totale Pourcentage de la population âgée de 0 à 17 ans Nombre Pourcentage de la population totale Pourcentage de la population âgée de 0 à 17 ans
Canada hors Québec 441 720 2,2 10,1 446 320 2,2 10,1
Québec 275 365 4,1 18,4 267 040 4,0 18,5
Canada 717 085 2,6 12,2 713 360 2,6 12,2

Pour les questions sur la langue d’instruction, la non-réponse varie de façon significative entre les versions d’essai 1 et 2 : elle est plus élevée dans la version 2, c’est-à-dire lorsque les questions sont placées plus loin dans le questionnaire, juste avant le module sur la scolarité du questionnaire détailléNote 19. On s’attendait à ce résultat puisqu’il est connu que, de façon générale, la non-réponse dans un questionnaire augmente avec le nombre de questions qui ont jusque-là été posées. Le taux de non-réponse était également plus élevé pour les questions sur la langue des programmes d’instruction que pour les autres questions du test du recensement.

De plus, en comparaison avec les autres versions du questionnaire, on a observé avec la version d’essai 2 un nombre significativement moins élevé de personnes ayant déclaré avoir terminé des études secondaires à la question suivant immédiatement le module sur la langue d’instruction. Puisque dans ce dernier module on demande de fournir de l’information sur la scolarité au Canada, restriction qu’on ne retrouve pas dans le module de questions portant sur la scolarité, il se peut que la proximité des deux modules ait créé de la confusion chez certains répondants.

3.3.2.2 Indications supplémentaires quant à la qualité des résultats

Outre le taux de non-réponse, d’autres indicateurs de la qualité générale des résultats ont fait l’objet d’analyses.

Ainsi, le nombre estimé de personnes suivant ou ayant suivi un programme d’enseignement de la minorité de langue officielle obtenu au moyen du Test du recensement de 2019 a été comparé avec le nombre annuel de personnes inscrites dans ces programmes selon les données de l’Enquête sur l’enseignement primaire et secondaire (EEPS) et celles du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec. Bien que ces sources ne soient pas entièrement comparables au test du recensement, elles fournissent néanmoins, en ciblant un groupe d’âge précis, un seuil minimum au-delà duquel on s’attend à trouver les estimations du test.

Soulignons que, lors de l’année scolaire 2017-2018 (dernières données disponibles), 83 640 jeunes étaient inscrits dans un programme public d’enseignement de la minorité de langue anglaise au Québec, alors que dans le reste du Canada, à l’exclusion des territoires, 166 690 jeunes étaient inscrits dans un programme de la minorité de langue française.

En ce qui a trait à la population de 3 à 17 ansNote 20 qui a été scolarisée dans un programme d’enseignement de la minorité de langue officielle, les résultats du test du recensement sont cohérents avec les données sur les effectifs des programmes d’enseignement de la minorité linguistique tirées de l’EEPS et celles obtenues du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec.

Selon les résultats du test du recensement, 4,6 % des enfants résidant au Canada hors Québec ont été scolarisés dans un établissement d’enseignement de langue française au Canada à un moment donné dans leur vie. Ce taux est comparable aux données administratives sur les effectifs tirées de l’EEPS, qui indiquent que 4,3 % des enfants ont été scolarisés dans un établissement d’enseignement de langue française au Canada hors Québec en 2017-2018. L’écart entre ces deux points de données peut s’expliquer par les différences dans les concepts mesurés par chaque source. Comme il est mentionné précédemment, les données sur les effectifs de l’EEPS portent sur les enfants inscrits, au moment de l’enquête, dans une école de la minorité de langue officielle, tandis que le test du recensement demandait aux répondants s’ils avaient déjà fait des études en français dans un établissement d’enseignement de langue française au cours de leur vie. De manière similaire, la différence observée entre les 10,2 % d’enfants inscrits dans un établissement d’enseignement de langue anglaise au Québec en 2017-2018 et les 12,2 % d’enfants résidant au Québec qui sont scolarisés ou qui ont été scolarisés en anglais au Canada selon le Test du recensement de 2019 peut être attribuée à la différence dans les concepts qui sont mesurés.

Malgré la cohérence de ces résultats, l’analyse des données du Test du recensement de 2019 a permis de cerner certains enjeux qui devront être pris en considération au moment des étapes de contrôle et d’imputation des données. Parmi ces enjeux, notons que certains répondants au questionnaire papier ont éprouvé des difficultés à suivre le cheminement du bloc de questions sur la langue d’instruction. Environ 9 % des répondants à la version papier du questionnaire au Québec ont en effet manqué le premier saut de question et ont par conséquent répondu aux questions concernant le Canada hors Québec. Outre le fait que cet enjeu puisse être cerné, on s’attend à ce que les trois quarts des Canadiens répondent au questionnaire électronique en 2021, ce qui réduit du coup de manière importante l’ampleur des correctifs requis.

3.3.2.3 « Filtres » linguistiques

Les résultats du Test du recensement de 2019 portent à croire par ailleurs que l’utilisation de critères, ou « filtres », linguistiques visant à réduire le nombre de ménages devant répondre aux questions sur les ayants droit et leurs enfants dans le questionnaire électronique pourrait mener à une sous-estimation du nombre d’enfants d’ayants droitNote 21. Les résultats obtenus des versions papier du questionnaire du test du recensement, dans lesquels tous les répondants avaient, rappelons-le, à répondre au bloc de questions sur la langue d’instruction, montrent qu’un pourcentage non négligeable d’enfants (12 %) fréquentant une école de langue française à l’extérieur du Québec vivent dans un ménage au sein duquel personne n’a déclaré le français à au moins l’une des trois questions de langue prises en compte dans les filtres. Ces enfants n’auraient donc pu être identifiés comme des enfants d’ayants droit si, comme le fait le questionnaire électronique, leur ménage avait été exclu sur la base de ces caractéristiques linguistiques.

Plus généralement, les résultats du Test du recensement de 2019 montrent qu’environ la moitié (53 %) des enfants d’ayants droit au Canada hors Québec ne peuvent être dénombrés que par la scolarité des parents, des enfants ou des deux, et non par la langue maternelle (graphique 1)Note 22. Les résultats du test confirment également ce qui a été souligné dans les premières parties de ce document, à savoir la proportion importante des enfants qui satisfont uniquement au critère du paragraphe 23(2) de la Charte. Ainsi, 31 % des enfants sont des enfants d’ayants droit en vertu du fait que l’un des enfants du ménage suit ou a suivi un programme régulier en français dans une école de langue française au Canada, sans qu’aucun des parents n’ait le français comme langue maternelle ou n’ait été lui-même scolarisé en français au Canada. Phénomène très peu répandu au moment de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle en 2006, même en dépit du fait que cette enquête ne comprenait pas tous les parents susceptibles d’être ayants droit en vertu des trois critères de l’article 23, il aurait depuis pris de l’ampleur. Dans certaines provinces, il est particulièrement important : à l’Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba et en Colombie-Britannique, respectivement 61 %, 43 % et 44 % des enfants seraient des enfants d’ayants droit en vertu du critère du paragraphe 23(2).

Graphique 1 Répartition selon le critère d’admissibilité des enfants (0 à 17 ans) résidant avec au moins un ayant droit, selon la province de résidence (Canada hors Québec), version d’essai 2 du Test du recensement de 2019

Tableau de données du graphique 1
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1. Les données sont présentées selon Critère d’admissibilité des enfants d'ayants droit (titres de rangée) et Canada hors Québec, T.-N.-L., Î.-P.-É., N.-É., N.-B., Ont., Man., Sask., Alb. et C.-B., calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Critère d’admissibilité des enfants d'ayants droit Canada hors Québec T.-N.-L. Î.-P.-É. N.-É. N.-B. Ont. Man. Sask. Alb. C.-B.
pourcentage
Scolarisation en français (langue maternelle autre que le français) — parent(s) et enfant 8,6 0,0 0,0 5,2 11,8 8,0 15,5 0,0 14,8 0,0
Scolarisation en français (langue maternelle autre que le français) — enfant seulement 30,9 7,9 60,9 8,4 2,4 32,7 43,2 25,1 37,6 43,6
Scolarisation en français (langue maternelle autre que le français) — parent(s) seulement 13,9 31,1 0,0 0,0 1,0 16,2 13,3 65,3 3,5 22,6
Langue maternelle français du parent (avec ou sans autre critère) 46,6 61,0 39,1 86,4 84,8 43,1 28,0 9,6 44,1 33,8
3.3.2.4 Langue maternelle

Le nombre total de personnes ayant la langue officielle minoritaire, déclarée seule ou en combinaison avec une ou d’autres langues, en tant que langue maternelle selon les trois versions de la question sur la langue maternelle est présenté au graphique 2. Bien qu’on puisse y voir quelques différences entre la version de contrôle et les versions d’essai, aucune de ces différences n’est statistiquement significative. De même, les versions d’essai ne montrent pas plus de personnes de langue maternelle française dans l’ensemble du Canada hors Québec ou dans l’ensemble du Canada. En d’autres termes, le Test du recensement de 2019 ne permet pas de confirmer que le nombre total de personnes ayant le français comme première langue apprise dans l’enfance et encore comprise au Canada hors Québec est sous-estimé en raison de la question des recensements passés, et ce, peu importe la province de résidence.

Graphique 2 Population ayant la langue officielle minoritaire comme langue maternelle, selon la province de résidence et la version du questionnaire du Test du recensement de 2019

Tableau de données du graphique 2
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2. Les données sont présentées selon Province (titres de rangée) et Version de contrôle, Version d’essai 1 et Version d’essai 2, calculées selon nombre unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Province Version de contrôle Version d’essai 1 Version d’essai 2
nombre
T.-N.-L. 115 2 470 4 750
Î.-P.-É. 2 210 0 1 805
N.-É. 19 825 20 335 26 390
N.-B. 222 135 213 915 187 250
Qc 720 595 749 420 792 520
Ont. 464 895 477 895 423 410
Man. 41 050 32 440 39 240
Sask. 10 105 3 635 12 880
Alb. 68 280 65 175 71 490
C.-B. 79 140 74 200 60 185

Cela ne signifie pas que les résultats entre les versions de la question sont en tous points identiques. Comme on s’y attendait, le nombre de réponses multiples est plus élevé dans les deux versions d’essai que dans la version de contrôle. Le nombre de répondants de langue maternelle officielle minoritaire qui ont déclaré plus d’une langue était respectivement 50 % et 25 % plus élevé selon les versions d’essai 1 et 2 que selon la version de contrôle. Cette hausse s’est cependant produite aux dépens des réponses uniques, qui ont vu leur nombre diminuer d’autant.

3.4 Modifications au questionnaire à la suite des tests du recensement et autres considérations sur l’usage du recensement pour la mesure du nombre d’enfants d’ayants droit

3.4.1 Modifications au questionnaire à la lumière des tests

À la lumière des résultats des tests du recensement, les décisions suivantes ont été prises :

3.4.2 Limites du recensement dans la réponse aux besoins en données

Malgré la qualité attendue des résultats du Recensement de 2021, ceux-ci comporteront des limites. La principale de ces limites tient au fait que le statut d’enfant d’ayant droit que l’on peut déterminer à partir du recensement doit être attribué non seulement à partir des réponses fournies aux questions concernant les enfants eux-mêmes, mais aussi à partir des réponses portant sur leurs parents et leurs frères et sœurs vivant dans le même ménage. Cela signifie que, si un enfant est un enfant d’ayant droit seulement en raison de la scolarité ou de la langue maternelle d’un parent vivant hors de son ménage, voire d’un ayant droit décédé, on ne pourra dénombrer cet enfant comme étant issu d’un ayant droit.

Cette situation est plus susceptible de se produire chez les enfants vivant en situation monoparentaleNote 24. Si, par exemple, un enfant n’a pas été scolarisé dans la langue de la minorité et vit avec un parent qui n’a pas été scolarisé dans cette langue ni n’a la langue officielle minoritaire comme langue maternelle, mais a un autre parent qui vit dans un autre ménage et qui est un ayant droit, on ne pourra savoir, à partir du recensement, qu’il s’agit là d’un enfant d’ayant droit. En d’autres termes, le recensement ne permet pas de reconstituer les familles « élargies » vivant dans des logements distincts. Bien que ces cas soient pour l’essentiel limités aux enfants de couples linguistiquement mixtes (exogames) n’ayant pas été scolarisés dans la langue officielle minoritaire et vivant seulement avec un parent qui n’est pas l’ayant droit, et bien que Statistique Canada explorera des façons d’apporter des ajustements et évaluera des approches d’imputation, cela constitue une limite à la précision des résultats.

Bien que le calendrier de diffusion du Recensement de 2021 n’ait pas encore été fixé au moment de la publication du présent rapport, une autre limite inhérente au recensement est que les résultats sur le nombre d’enfants d’ayants droit seront diffusés plus d’un an après la collecte des données. Il est donc fort probable que, dans une municipalité donnée, ce nombre changera au cours de cette période, notamment parce que les enfants avancent en âge ou pourraient avoir déménagé de leur lieu de résidence au moment du recensement. À titre d’exemple, une région où résidaient 30 de ces enfants au 10 mai 2021 aura peut-être vu des familles s’y établir, ou bien la quitter, lorsque les données du recensement seront rendues publiques. Étant donné que le statut d’enfant d’ayant droit est une caractéristique transmise au sein d’un même ménage, la mobilité d’un seul ménage ou d’une famille peut faire varier les estimations de plus de un. C’est donc dire que le Recensement de 2021 ne permettra pas un dénombrement complet des enfants d’ayants droit, ni ne permettra à lui seul de répondre à tous les besoins en données relatives aux enfants d’ayants droit, comme pourrait le faire un registre mis à jour en continu. Il permettra toutefois de fournir une estimation robuste de l’effectif de cette population à un moment précis dans le temps, soit au moment du recensement.

Parallèlement aux tests du recensement, et compte tenu de l’évaluation des options de positionnement des questions sur les ayants droit (avant le module sur l’éducation du questionnaire détaillé ou après le module de questions linguistiques du questionnaire abrégé), Statistique Canada a mené plusieurs analyses complémentaires permettant d’évaluer les avantages et les limites des questionnaires détaillé et abrégé du recensement pour répondre au besoin exprimé en données sur les ayants droit.

Le Test du recensement de 2019 reposait sur un échantillon probabiliste de 135 000 ménages, mais il ne permettait pas de comparer le niveau de qualité des données sur les enfants d’ayants droit provenant de la combinaison des questionnaires abrégé et détaillé administrés à 100 % (environ 16 millions) des ménages avec le niveau associé aux données provenant d’un questionnaire détaillé administré à 25 % (environ 3,7 millions) des ménages. C’est pourquoi on a utilisé les données des questionnaires détaillé et abrégé du Recensement de 2016 sur la langue maternelle et la langue parlée à la maison pour déterminer si les estimations obtenues au moyen du questionnaire détaillé (25 % des ménages) seraient statistiquement différentes de celles obtenues par la combinaison des données des questionnaires détaillé et abrégé (100 % des ménages) pour les très petites populations et les petites localités (municipalités).

À partir des données du Recensement de la population de 2016, il est possible d’obtenir une mesure approximative indirecte de la population d’enfants d’ayants droit à des fins de comparaison statistique. Les questionnaires abrégé et détaillé de 2016 peuvent être utilisés pour estimer la population de 0 à 17 ans qui vit dans un ménage comptant au moins une personne dont la langue maternelle est une langue officielle minoritaire, ou au moins une personne dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, mais qui parle la langue officielle minoritaire au moins régulièrement à la maison. Il s’agit d’une mesure indirecte conservatrice du nombre d’enfants d’ayants droit.

Suivant cette approche, le nombre total approximatif d’enfants d’ayants droit au Canada (par mesure indirecte) est estimé à 574 450 selon le questionnaire abrégé. Parmi eux, 121 355 résidaient dans une municipalité (subdivision de recensement, ou SDR) où moins de 500 enfants satisfont au critère de mesure indirecte, et 43 800, dans une SDR où moins de 100 enfants satisfont au critère de mesure indirecteNote 25.

Le graphique 3 présente les résultats de l’analyse statistique effectuée par la classification des SDR en fonction du nombre d’enfants au sein de chaque SDR qui satisfont au critère de mesure indirecte. Ce graphique révèle que, parmi l’ensemble des SDR (municipalités ou localités) au Canada où vivait en 2016 au moins un enfant d’ayant droit (selon la mesure approximative) [soit 3 081 SDR sur 4 670], 95 % des SDR présentaient une estimation de ce nombre qui ne différait pas significativement entre le questionnaire abrégé et le questionnaire détaillé à un niveau de confiance de 95 %. 

Graphique 3 Proportion de subdivisions de recensement (SDR) au sein desquelles le nombre estimé d’enfants (0 à 17 ans) d’ayants droit obtenu du questionnaire abrégé se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur de l’intervalle de confiance (p < 0,05) de l’estimation obtenue du questionnaire détaillé, selon le nombre estimé d’enfants d’ayants droit dans la SDR, 2016

Tableau de données du graphique 3
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3. Les données sont présentées selon Nombre estimé d'enfants d'ayants droit dans la SDR (titres de rangée) et Le nombre obtenu du questionnaire abrégé se trouve à l’extérieur de l’intervalle de confiance de 95 % de l’estimation obtenue du questionnaire détaillé et Le nombre obtenu du questionnaire abrégé se trouve à l’intérieur de l’intervalle de confiance de 95 % de l’estimation obtenue du questionnaire détaillé, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Nombre estimé d'enfants d'ayants droit dans la SDR Le nombre obtenu du questionnaire abrégé se trouve à l’extérieur de l’intervalle de confiance de 95 % de l’estimation obtenue du questionnaire détaillé Le nombre obtenu du questionnaire abrégé se trouve à l’intérieur de l’intervalle de confiance de 95 % de l’estimation obtenue du questionnaire détaillé
pourcentage
0 0 100
1 à 9 3 97
10 à 24 5 95
25 à 49 8 92
50 à 99 8 92
100 à 499 9 91
500 à 999 7 93
1 000 ou plus 8 92
Au moins un enfant 5 95

De plus, au sein de ces SDR comptant moins de 100 enfants satisfaisant au critère de mesure indirecte approximative déjà défini — des municipalités ou localités où les services scolaires dans la langue officielle minoritaire sont plus susceptibles de ne pas être disponibles —, environ la moitié des enfants d’ayants droit résideraient dans une SDR où l’écart entre le nombre obtenu du questionnaire abrégé et celui du questionnaire détaillé était de moins de dixNote 26. De telles différences peuvent difficilement être interprétées par les utilisateurs en raison des règles d’arrondissement visant à préserver la confidentialité des informations obtenues auprès des répondants.

Le Recensement de 2021, que les données soient recueillies au moyen  du questionnaire abrégé ou du questionnaire détaillé, fournira cependant des données de qualité et à des niveaux géographiques fins sur la population des enfants admissibles à une scolarisation dans la langue officielle minoritaireNote 27. Le nombre d’enfants d’ayants droit obtenu à partir des données du recensement sera ainsi celui que la jurisprudence a établi comme correspondant à la borne supérieure de la fourchette, ou s’approchant de celle-ci, à l’intérieur de laquelle se situe le nombre d’enfants dont les parents « se prévaudront en définitive » de leur droit constitutionnel de les faire instruire dans la langue officielle minoritaire. Ce dernier nombre sera ainsi inférieur au nombre (maximum) obtenu du recensement et supérieur à celui (minimum) des inscriptions actuelles dans les programmes de langue officielle minoritaire.

4. Vers un « écosystème » de données sur les ayants droit

Bien que le Recensement de la population de 2021 soit une pièce maîtresse de la collecte de données sur les enfants d’ayants droit en ce qui concerne l’instruction dans la langue officielle minoritaire, les données que l’on en tirera ne constituent que l’un des éléments d’information que rechercheraient les tribunaux et les représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pour brosser un portrait plus complet des ayants droit au Canada et produire les éléments d’information requis, des renseignements supplémentaires devront être obtenus d’autres sources.

Grâce aux méthodes qu’il utilise, Statistique Canada peut produire les trois ensembles de données requis mentionnés par les tribunaux, soit : 1) l’estimation du nombre maximum d’enfants d’ayants droit admissibles à l’échelle des municipalités (subdivisions de recensement) ou des régions géographiques non normalisées, comme les bassins de recrutement scolaire, grâce aux données du Recensement de la population; 2) le nombre minimum d’enfants d’ayants droit (les enfants actuellement inscrits dans un établissement d’enseignement ou un programme de la minorité de langue officielle), grâce aux données administratives relatives aux écoles; 3) l’estimation du nombre d’ayants droit qui ont l’intention ou qui souhaiteraient exercer leurs droits constitutionnels, grâce à une nouvelle enquête postcensitaire sur les minorités de langue officielle (2022).

Bien qu’elle n’ait pas pour objectif de recueillir des données à des niveaux inférieurs de géographie, la nouvelle enquête postcensitaire — actuellement mise en chantier — qui sera menée à la suite du Recensement de la population de 2021 permettra d’estimer le nombre et la proportion de parents qui se prévaudront ou qui souhaiteraient se prévaloir de leur droit d’inscrire leurs enfants dans un établissement d’enseignement de la minorité de langue officielle, et ce, en fonction de l’information tirée du recensement sur la concentration et le poids démographique au sein de chaque municipalité ou localité. Cette information serait donc complémentaire à celle obtenue du recensement et fournirait des renseignements sur « le nombre de personnes qui se [prévaudraient] en définitive du programme ou de l’établissement envisagé ». 

Les données sur les ayants droit et leurs enfants tirées du Recensement de 2021 et de l’enquête postcensitaire seront également utilisées en combinaison avec des données géographiques permettant d’arrimer le lieu de résidence des enfants d’ayants droit et l’emplacement exact de chaque établissement d’enseignement de la minorité de langue officielle au Canada. Statistique Canada sera ainsi en mesure de déterminer la distance précise entre le lieu de résidence des ayants droit et l’emplacement géographique de ces établissements d’enseignement.

À titre d’exemple, les données tirées du Test du recensement de 2019 ont permis d’établir que 94 % des enfants d’ayants droit au Canada hors Québec résidaient à 15 km ou moins d’une école de la minorité de langue officielle et qu’un peu moins de 9 sur 10 d’entre eux résidaient à 10 km ou moins d’une école de la minorité. Au Québec, ces proportions étaient de 97 % et de 92 %, respectivement.

5. Conclusion

En réponse aux recommandations du rapport de 2017 du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes sur le dénombrement des ayants droit et comme suite aux demandes exprimées par les représentants des minorités de langue officielle dans l’ensemble du pays, le gouvernement du Canada a mandaté Statistique Canada pour « déterminer les meilleurs moyens de recueillir des données de qualité sur les ayants droit aux termes des alinéas 23(1)a) et b) et du paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés ».

Prenant en compte des éléments clés de la jurisprudence — particulièrement les jugements de la Cour suprême du Canada et de la Colombie-Britannique cités dans ce document — ainsi que les travaux du Comité permanent de la Chambre des communes afin de cerner les besoins en données statistiques sur les ayants droit et leurs enfants, Statistique Canada a examiné diverses options et évalué leur potentiel et leurs limites. Une approche scientifique rigoureuse a été utilisée. Cela comprend le respect des exigences juridiques, l’évaluation de la qualité des données, le fardeau des répondants, la confidentialité, la comparabilité historique et les coûts.

En 2021, le recensement comprendra un tout nouveau bloc de questions visant à mesurer le nombre d’enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet ajout est le fruit d’une démarche et de travaux d’experts menés par Statistique Canada afin de répondre aux besoins en données relatifs à la planification de services publics, tels les infrastructures scolaires et les services d’enseignement dans la langue officielle minoritaire au Canada.

Le Comité consultatif sur la statistique linguistique, formé en 2017, a formulé des avis et des conseils sur la stratégie de collecte, l’élaboration des questions et leur mise à l’essai tant qualitative que quantitative. Les six nouvelles questions (dont cinq dans le questionnaire électronique), combinées à d’autres questions du recensement, permettront la constitution de la base de données la plus complète à ce jour sur les ayants droit et leurs enfants visés par les alinéas 23(1)a) et b) et le paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces résultats seront rendus disponibles à l’échelon des municipalités ou des localités et à des niveaux géographiques personnalisés, en plus de pouvoir être croisés avec les autres caractéristiques que permet de recueillir le questionnaire détaillé du recensement, telle la citoyenneté.

Le recensement constituera une pièce maîtresse de l’« écosystème » de données dont Statistique Canada entreprend la mise en œuvre. Cet « écosystème » comprendra, outre le recensement, des données administratives et une nouvelle enquête postcensitaire en élaboration, chacune de ces sources venant bonifier et enrichir l’offre de données sur les ayants droit.

Comme toute source de données, le recensement comporte des limites. Cela est d’autant plus vrai dans le contexte unique des enfants d’ayants droit, leur dénombrement, complexe, nécessitant l’usage combiné de plusieurs questions, notamment sur les relations entre les personnes vivant sous un même toit. De plus, le recensement ne peut produire un registre des enfants d’ayants droit, et là n’est pas sa fonction. Il permettra cependant de combler un besoin clé tant pour les divers acteurs et intervenants au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire que pour les ministères provinciaux et territoriaux de l’éducation.

Annexe 1 – Tableau complémentaire

Tableau A.1
Population dont la langue maternelle est une langue officielle minoritaire (réponses multiples comprises), selon la province de résidence et la version du questionnaire du Test du recensement de 2019
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Population dont la langue maternelle est une langue officielle minoritaire (réponses multiples comprises). Les données sont présentées selon Province (titres de rangée) et Version de contrôle, Version d’essai 1, Version d’essai 2, Valeur de p :
version d’essai 1 et Valeur de p :
version d’essai 2(figurant comme en-tête de colonne).
Province Version de contrôle Version d’essai 1 Version d’essai 2 Valeur de pTableau A.1 Note 1 :
version d’essai 1
Valeur de pTableau A.1 Note 1 :
version d’essai 2
Terre-Neuve-et-Labrador 115 2 470 4 755 0,2755 0,0530
Île-du-Prince-Édouard 2 210 0 1 810 0,2648 0,9400
Nouvelle-Écosse 19 820 20 340 26 385 0,9589 0,8674
Nouveau-Brunswick 222 130 213 915 187 245 0,6346 0,6764
Québec 720 595 749 420 792 515 0,5931 0,1253
Ontario 464 895 477 895 423 410 0,6140 0,3011
Manitoba 41 050 32 440 39 240 0,4939 0,9151
Saskatchewan 10 105 3 635 12 885 0,0943 0,9055
Alberta 68 275 65 175 71 490 0,9742 0,7071
Colombie-Britannique 79 145 74 200 60 185 0,4845 0,1742
Canada hors Québec 907 745 890 075 827 405 0,6388 0,2056
Canada 1 628 335 1 639 495 1 619 920 0,1291 0,1946
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